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RÉPONSE AUX FAUSSES CONCEPTIONS DE M. L’ABBÉ ROCA RELATIVES À MES OBSERVATIONS SUR L’ÉSOTÉRISME CHRÉTIEN

[Le Lotus, Paris, Vol. II, No. 13, avril 1888, pp. 3-19]

Monsieur l’abbé parle, dans Le Lotus du mois de février d’une «bourrade» qu’il aurait reçue de moi.* En même temps, avec une mansuétude, je ne dirai pas chrétienne,—car les chrétiens ne sont ni humbles ni doux dans leurs polémiques—mais toute bouddhiste, mon interlocuteur me fait savoir qu’il ne m’en veut nullement. Au contraire, dit-il, il me sait gré «de la rondeur de mes manières et de la haute franchise de mon verbe», effets tout naturels de ma «désinvolture d’amazone».
Un esprit plus chicanier que le mien pourrait trouver là quelque chose à dire. Il ferait remarquer, par exemple, que cette surabondance d’adjectifs et d’épithètes personnelles, dans une réponse à des observations sur un sujet aussi abstrait que la métaphysique religieuse, dénote tout le contraire de la satisfaction. Mais les théosophes sont peu gâtés par leurs critiques et, moi la première, j’ai souvent reçu des compliments plus mal tournés que ceux que me prodigue M. l’abbé Roca. J’aurais donc tort de ne pas apprécier sa courtoisie, d'autant plus que, dans sa touchante sollicitude à s’occuper de ma personne, à rendre justice à ma «virile intelligence» et à ma «mâle vigueur», Monsieur l’abbé a relégué le Christ théologique au second plan et ne souffle mot du Christ ésotérique.
Or, comme je n’ai rien à faire du premier, et que je nie in toto le Christ inventé par l’Église, en même temps que toutes les doctrines, toutes les interprétations et tous les

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* Voir «Notes sur ‘l’Esotérisme du Dogme Chrétien’ de M. l’abbé Roca» dans le numéro de décembre 1887 du Lotus, page 160 (N. de la D.).
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dogmes, anciens et modernes, concernant ce personnage, je commence par déclarer que la Réponse de M. l’abbé à mes «Notes sur l’Ésotérisme du Dogme Chrétien» n’est pas une réponse du tout. Je ne trouve pas, dans toute sa volumineuse lettre, une seule phrase qui contredise sérieusement mes objections, en les réfutant logiquement et scientifiquement. La foi—et surtout la foi aveugle —ne saurait être «critiquement discutée»; en tous cas, elle ne peut jamais être «scientifiquement établie», quand bien même le lecteur chrétien se contenterait d’une semblable casuistique. Mon interlocuteur m’en veut même pour avoir «déployé» ce qu’il lui plait d’appeler «tant d’érudition». Cela se conçoit. Contre des arguments historiques et valides il ne peut m’objecter comme preuves «expérimentales» qu’un seul fait: Jésus-Christ dans son âme, lui disant tous les jours «qu’il est le Maître Unique et le seul vrai docteur». Faible preuve, celle-là, devant la science, la loi et même le sens commun d’un incroyant!
Il est certain que le fàmeux paradoxe de Tertullien: «Credo quia ebsurdum et impossibile est»,* n’a rien à voir dans une discussion de ce genre. Je croyais m’adresser au mystique érudit, à M. l’abbé Roca socialiste et libéral, et je ne me serais dérangée que pour un curé, un fidei defensor! M. l’abbé Roca s’en tire en disant: «Je connais assez le Bouddhisme pour la [moi] comprendre sur-lechamp; elle ne connait pas assez le Christianisme pour me saisir du premier coup». Désolée de le contredire! mais la vérité avant tout. Monsieur l’abbé s’illusionne en croyant connaître le bouddhisme: il est aisé de voir qu’il ne le connait pas même exotériquement, non plus que l’hindouisme, même populaire. Autrement, est-ce qu’il aurait jamais placé Krishna, comme il le fait page 259, au nombre des Bouddhas; ou encore, aurait-il confondu le nom d’un personnage historique, le prince Gautama,

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* [This is the often misquoted sentence from Tertullian’s Carne Christi, chap. v, which runs: «Certum est quia impossibile est», it is certain because it is impossible.—Compiler.]
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avec ses titres mystiques, les énumérant comme autant de Bouddhas!
N’écrit-il pas, en effet, en parlant de Jésus, que le calice qu’il but était «autrement amer que la coupe où Socrate but la cigue en Occident, et que celle où Krishna, Çakyamouni,* Gautama de Kapilavastou, Siddharta et tous les autres Bouddhas se sont abreuvés. . . .» (?) Ce «et les autres Bouddhas» est une preuve définitive, pour nous, que non seulement Monsieur l’abbé ne sait rien du Bouddhisme ésotérique, mais encore qu’il n’a aucune idée de la simple biographie historique et populaire du grand Réformateur hindou. C’est absolument comme si, en parlant de Jésus, j’écrivais: «Orphée, le fils de Marie, Emmanuel, le Sauveur, le Nazaréen et tous les autres Christs qui ont été crucifiés». Sans perdre son temps à signaler un tas de lapsus linguae se rapportant aux termes sanscrits, brahmaniques et bouddhiques semés dans les articles de M. l’abbé Roca,—articles fort érudits du reste et certainement éloquents comme style,—il suffit de cet exemple pour laisser le public juger si mon critique connaît le premier mot du Bouddhisme dans la polémique actuelle. M. l’abbé le confondrait-il encore, comme tant d’autres, avec la Théosophie? Dans ce cas, je me permettrais de lui apprendre que la Théosophie n’est ni Bouddhisme, ni Christianisme, ni Judaïsme, ni Mahométisme, ni Hindouisme, ni aucun autre mot en isme; c’est la synthèse ésotérique de toutes les religions et de toutes les philosophies connues.
Je dois donc savoir quelque chose du Christianisme— populaire et surtout exotérique,—pour me permettre d’entrer en lice avec un abbé catholique aussi érudit que l’est mon adversaire. Ne dirait-on pas plutôt (en admettant pour le moment que je n ai pu «saisir du premier coup» le Christianisme de M. I’abbé Roca) que mon honoré interlocuteur ne sait pas trop ce qu’il prêche? qu’ayant jeté
* Ce titre, grâce à l’amabilité de M. Gaboriau, n’a point paru avec les autres dans Le Lotus, mais j’ai les premières épreuves où il se trouve dans l’ordre indiqué ci-dessus.


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par-dessus les moulins son bonnet d’ecclésiastique orthodoxe et papiste, et négligeant le véritable ésotérisme des brahmes et des bouddhistes, des gnostiques payens et chrétiens comme de l’authentique cabbale chaldéenne, et ne sachant nen des doctrines des théosophes, qu’il s’est fabriqué un Christianisme à lui, un Ésotérisme sui generis? J’avoue que je ne le comprends pas.
Quand à sa «Loi de Ram» et son «Ab-Ram, issu de Ram» (?)—connais pas. Je connais parfaitement la VANŚAVALI OU généalogie des races de Sourya et de Chandra * depuis Ikshvaku et Boudha † jusqu’à Rama et Krishna: source commune où les Pouranas (anciennes Ecritures), le Bhagavata, le Skanda, l’Agni et le Bhavishya Pourana, ont puisé leurs généalogies divines, humaines et dynastiques. La copie s’en trouve dans la Bibliothèque royale des Maharadjas d’Oudeïpour (la plus ancienne des maisons royales des Indes, et dont la généalogie familiale a été revue et sanctionnée par le gouvernement angloindien). Rama est un personnage historique. Les ruines des cités bâties par lui, et ensevelies sous plusieurs étages successifs d’autres cités moins anciennes mais toujours préhistoriques, existent encore aux Indes; on les connait ainsi que de vieilles monnaies avec son effigie et son nom. Qu’est-ce donc que cet «Ab-Ram, issu de Ram» ? ‡ A-bram

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* Sourya et Chandra (Solaire et Lunaire), appellations respectives des deux grandes races primitives et radicales de l’Aryavarta, dites races Solaire et Lunaire.
† J’espère que le lecteur se gardera de confondre Boudha (avec un seul d), le fils de Soma, la Lune, avec le titre mystique de Bouddha (deux d). L’un est le nom propre d’un individu (Boudha, I’Intelligence ou Sagesse), I’autre le titre des Sages, des «Illuminés».
‡ Ce ne sont pas les tribus des fiers Rajpoutes de la race Solaire, Souryavansa—tribus prouvent historiquement leur descendance de Lava et de Kousha, les deux fils de Rama—qui reconnaîtraient cet «Ab-ram» inconnu. Voir dans un prochain No. du Lotus, ma note No. I sur Abraham.
[In the course of this essay, H. P. B. refers eight different times to certain Notes, numbered from 1 to 8, which she seems to have written for some forthcoming issue of Le Lotus. Such Notes have not been found in any later issue of this journal, and are certainly not the
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ou A-brahm, en sanscrit, veut dire un non-brahme, ou bien un homme chassé de la caste des brahmes, ou un homme d’une caste inférieure. Abra est le nom de l’éléphant d’Indra; sa femelle se nomme Abramu. Les mots sont sanscrits et le nom Abramu se retrouve en Chaldée, mais l’Abraham des Juifs n’a rien à faire avec le Rama indou;* il ne peut en être issu, puisque c’est, au contraire, Rama qui est issu de Brahm(neutre) en passant par son aspect terrestre, Vishnou, dont il est l’Avatar.†
Ceci est une simple digression que M. l’abbé va peutêtre encore appeler une bourrade. Je dirai à ce propos qu’il a la peau bien sensible, car je ne vois pas, dans mes Notes sur l’ésotérisme chrétien, ce qui a pu faire évoluer semblables idée dans l’imagination de mon honorable interlocuteur. Le souffle qui renverse un château de cartes peut bien passer pour une forte bourrasque aux yeux de l’architecte qui l’a bâti; mais si M. l’abbé Roca s’en prend au souffle plutôt qu’à la faiblesse de son édifice, ce n’est toujours pas ma faute. Il m’accuse aussi d’esprit de parti; c’est une accusation aussi injuste que l’autre. Comme je ne suis ni abbé ni sous la férule féroce d’une Église qui se déclare infaillible, je suis prête, moi, à accepter la vérité d’ou qu’elle vienne. Moins heureux que moi, mon critique, se trouvant entre l’enclume et le marteau, ne peut accepter mes conclusions et cherche, dès lors, à les rejeter sur mon «esprit de parti» et mon «ignorance» de sa religion. Encore une fois, il ne saurait y avoir d’esprit de parti dans une Société universelle et impartiale comme est la nôtre, ayant choisi pour devise: «Il n’y a pas de religion

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footnotes which she appended, in the June, 1888, issue of Le Lotus, to the final installment of this controversy with the Abbé Roca. So it is impossible to say at the present time what particular Notes were meant.—Compiler.]
* Ab, Aba veut dire «père» mais seulement dans les langues sémitiques.
† Nous ferons remarquer au lecteur, en passant, l’importance de ces remarques, car les livres de Fabre d’Olivet et de M. Saint-Yves reposent sur des données complètement en désaccord avec elles (N. de la D.).
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plus élevée que la Vérité», et nos Maîtres étant de trop grands Sages pour se parer des plumes de paon de l’infaillibilité et même pour se targuer de la possession de la Vérité absolue, leurs disciples ont toujours l’esprit ouvert aux faits qu’on voudra bien leur démontrer. Que M. l’abbé démolisse les preuves que nous offrons contre l’existence d’un Christ charnel, d’où Christ-homme, s’appelât-il Jésus ou Krishna; qu’il nous démontre qu’il n’y eut jamais d’autre Dieu incarné que son «Jésus-Christ», et que celuici est le «seul» comme «le plus grand» des Maîtres et des Docteurs—pas seulement le plus grand des Mahatmas mais Dieu en personne! Fort bien; alors, qu’il nous en donne des preuves irréfutables ou, au moins, aussi logiques et évidentes que celles avancées par nous. Mais qu’il ne vienne pas nous offrir comme preuves la voix qui parle dans son âme ou des citations tirées de l’Evangile. Car, sa voix—serait-elle sœurjumelle de celle du daïmon de Socrate—n’a pas plus de valeur, dans l’argumentation, pour nous et pour le public, que n’en a pour lui ou toute autre personne la voix qui me dit le contraire dans mon âme. Oui, il a raison de dire qu’ «il est si malaisé de se déprendre de tout intérêt personnel, et plus encore, de tout esprit de parti, d’école, de secte, d’Église, de caste»; comme cette phrase ne saurait en rien s’appliquer à moi qui ne tiens à aucune école spéciale, qui n’appartiens à aucune secte, Église ou caste, puisque je suis théosophe, ne s’appliqueraitelle pas à lui, Chrétien, Catholique, Ecclésiastique et Chanoine?
En outre, notre estimable correspondant doit avoir l’imagination assez vive. Ne voilà-t-il pas qu’il aperçoit la Direction du Lotus «enivré par le fumet capiteux» de ses éloges envers le savoir des Mahatmas et lui «faisant signe de l’œil et de la tête». En ce cas, la Direction doit avoir le vin triste, puisqu’au lieu de le remercier de ses avances si flatteuses (flatteuses d’après lui), elle m’a envoyé son premier article à Londre pour que j’y répondisse, et qu’elle l’a fait suivre de ma «bourrade». Nos faits et gestes ne cadrent donc pas avec l’idée que s’en fait M. l’abbé Roca. Il est vrai qu’il a prévenu les lecteurs que «personne ne suspectera cette dame [son humble servante] de


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courtisanerie à l’égard des prêtres catholiques». Ceci est un fait incontestable et historique; c’est même le seul que je trouve dans sa longue Épitre. Si, ayant l’expérience de tout une longue vie passée à connaître les susdits prêtres, j’ai posé l’éteignoir sur l’espoir couleur de rose dont brillait la flamme de sa première lettre, c’est que je ne saurais prendre au sérieux de simples compliments de politesse d’un abbé chrétien et français à l’adresse des Mahatmas payens, et que, si la Direction du Lotus français a pu se tromper, la directrice du Lucifer anglais y a vu clair.* Tout en appréciant sincèrement M. l’abbé Roca comme homme écrivain, tout en séparant dans ma pensée le philosophe mystique du prêtre, je ne pouvais cependant pas perdre de vue sa soutane. Donc, l’hommage rendu par lui au savoir de nos maîtres, au lieu de m’enivrer de son fumet, m’était apparu dès le premier instant sous son vrai symbolisme. Cet «hommage» y jouait le rôle d’un mât de cocagne, érigé pour servir de support aux brimborions chrétiens qu’une main apostolique et romaine y attachait à profusion, ou de poupée indo-théosophique qu’elle affublait d’amulettes papistes.† Et, loin d’être enivrée—je le confesse avec ma «franchise» et ma rudesse ordinaires comme sans ambages—je ne sentis qu’un redoublement de mefiance.
Les fausses conceptions dont la Réponse de M. l’abbé fourmille prouvent combien j’avais raison. S’attendait-il donc à ce que la Direction du Lotus et les théosophes

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* Nous n’osons saisir la pensée de Mme Blavatsky, mais nous croyons que dans le cas présent nous ne nous sommes pas trompés. Nous avons offert généreusement une tribune à M. l’abbé Roca; il y a exposé ses idées que Mme Blavatsky réfute d’ailleurs de main de maître; d’autres y exposent et y exposeront les leurs, car Le Lotus a pour but d’instruire ses lecteurs tout en donnant la parole de temps à autre à des esprits éminents qui peuvent différer, sur quelques points, d’opinion avec nous (N. de la D.).
† Mme Blavatsky juge d’après l’esprit et les termes de l’article en question. Nous savons que M. l’abbé Roca tonne avec éloquence contre Léon XIII, mais celui-ci étant atteint d’une surdité incurable ne peut l’entendre, d’ailleurs, on ne saurait réveiller les morts et il vaut mieux les laisser pour s’occuper de ce qui est vivant (N. de la D.).
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s’écriassent en chœur: Mea culpa! et se convertissent en masse à ses idées? Nous le voyons, à la première réplique de ceux-ci, parer des coups imaginaires et donner, dans une seconde lettre, une tout autre couleur aux compliments de son premier article. Il a le droit certainement; mieux que personne, il doit connaître le fond de sa pensée. Mais il en est ainsi pour tout le monde, je pense. Pourquoi alors va-t-il dénaturer ce que je dis, et même inventer des cas et des scènes impossibles où il me fait jouer un rôle étrange et m’attribue des paroles qu’il n’a certes pas trouvées dans mes «Notes» en réponse à son article du mois de décembre? L’idée fondamentale de mes observations était, en effet, que celui qui voudra dire «Ego sum veritas» est encore à naître; que le «Vos Dii estis» s’applique à tous, et que tout homme né d’une femme est «le fils de Dieu»––qu’il soit bon, mauvais ou ni l’un ni l’autre. Ou M. l’abbé Roca s’obstine à ne pas me comprendre, ou il poursuit un but. Je ne m’oppose pas du tout à ce qu’il prenne la voix foudroyante de son Église latine pour celle qu’il croit entendre dans le fond de son âme, mais je m’oppose formellement à ce qu’il me représente comme partageant les dogmes qui lui sont ainsi inculqués, lorsque je les répudie complètement.
Jugez un peu. J’écris en toutes lettres qu’un Christ (ou Christos) divin n’a jamais existé sous une forme humaine ailleurs que dans l’imagination des blasphémateurs qui ont carnalisé un principe universel et tout impersonnel. J’ose croire que c’est fort clair. Eh bien, l’abbé Roca, après m’avoir représentée disant: la vérité, c’est moi—absurdité que je laisse aux Églises qui l’ont trouvée et dont un Adepte, un Sage rirait de pitié—se laisse aller à l’assertion suivante:
«Il se rencontre qu’avant Mme Blavatsky quelqu’un s’est présenté au monde qui a dit carrément: ‘ La VÉRITÉ, c’est moi,—Ego sum Veritas!’ Ce langage est du Christ, et s’il ne révélait pas Dieu lui-même il trahirait le plus effronté des imposteurs. Or, dire que le Christ est un imposteur, on s’en gardera bien devant Mme Blavatsky qui répliquerait par une maîtresse gifle sur la bouche du blasphémateur. Donc . . . . concluez vous-mêmes».


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Concluez vous-mêmes!!! . . .
Ce que les autres conclueront ou ne conclueront pas m’interesse fort peu. Mais je concluerai moi-même, car Je crois comprendre.
De deux choses l’une:
a. Ou Monsieur l’abbé n’a pas la moindre idée nette quant à la théosophie, quant à ses propres doctrines, quant à moi, l’humble disciple de la Vérité, et parle au vent et à l’aventure;
b. Ou il a voulu me mettre au pied du mur, me forcer à m’expliquer pour avoir de moi une réponse catégorique. La raisonnement ne serait pas mauvais. Ou bien Mme Blavatsky passera sous silence cette assertion aussi extraordinaire que fausse et alors—qui ne dit mot consent, ou bien elle y répondra pour la contredire et la nier; et dans ce dernier cas elle se fera de nouveaux ennemis parmi les chrétiens, et c’est autant de gagné.
Est-ce cela, Monsieur l’abbé? Alors, c’est un faux calcul de plus. L’ «amazone» aura cette fois, comme les autres du reste, assez de «mâle vigueur» pour répondre sans ambages et à la face de l’univers ce qu’elle pense de votre petit arrangement. En effet, dire que le Christ (nous disons Christos) est imposteur, ce serait proférer non pas un blasphème mais une simple stupidité: un adjectifpersonnel ne peut s’appliquer à un principe idéal, à une abstraction; ce serait comme si l’on disait: «l’espace infini est un dévot». Un théosophe occultiste rirait. Quant à la supposition que je suis capable de répliquer «par une maîtresse gifle» sur la bouche de celui qui proférerait la phrase, elle est encore plus baroque. Monsieur l’abbé oublie que je suis théosophe d’abord, et ignore probablement que je suis personnellement disciple de la philosophie bouddhiste. Or un vrai bouddhiste ne donnerait pas même une tape à un chien pour l’empêcher d’aboyer. Les bouddhistes pratiquent toutes les vertus prêchées dans le «Sermon sur la Montagne» de Gayâ—sur la montagne de Galilée six siècles plus tard—vertus dont on n’entend guère parler dans les églises des pays chrétiens et qu’on y met encore moins en pratique. Les bouddhistes ne résistent pas, ils ne rendent pas le mal pour le mal: ils laissent la gloire de


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gifler, de couper les oreilles à leurs adversaires, aux saints Pierre qui défendent ainsi leur Maître pour le trahir et le renier deux heures après, selon le triste récit.
Monsieur l’abbé désire-t-il savoir, sans ambages, ce que je pense de la légende chrétienne? Il m’est f`acile de le satisfaire.
Pour moi, Jésus-Christ, c’est-à-dire l’Homme-Dieu des chrétiens, copie des Avatars de tous les pays, du Chrishna indou comme de l’Horus égyptien, n’a jamais été un personnage historique. C’est une personnification déifiée du type glorifié des grands Hiérophantes des Temples,* et son histoire racontée dans le Nouveau Testament est une allégorie, contenant certainement de profondes vérités ésotériques, mais c’est une allégorie. Elle s’interprète à l’aide des sept clefs de même que le Pentateuque. Cette théorie des sept clefs, l’Église, d’après l’abbé Roca, l’aurait simplifiée et résumée en trois «sans la dénaturer», alors qu’au contraire elle a fabriqué trois f`ausses clefs qui n’ouvrent rien du tout. La légende dont je parle est

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* Chaque acte du Jésus du Nouveau Testament, chaque parole qu’on lui attribue, chaque évènement qu’on lui rapporte pendant les trois années de la mission qu’on lui fait accomplir, repose sur le programme du Cycle de l’Initiation, cycle basé lui-même sur la précession des Équinoxes et les signes du Zodiaque. Lorsque l’Évangile hébreu non selon mais par Mathieu le Gnostique dont on a fait un Évangéliste—évangile dont parle (saint) Jérôme au IVe siècle et qu’il a refusé de traduire sous prétexte qu;il était falsifié (!) par Séleucus, disciple manichéen (Vide Hiéronymus, De viris illust., cap. 3)—lorsque, disje, ce document original aura était traduit, si jamais on le retrouvc, et que les Eglises chrétiennes auront du moins UR document non falsifié, alors on pourra parler de la «vie de Jésus» dont «nul n’ignore» les evènerments. En attendant, et sans perdre son temps à se disputer au sujet du siècle ou aurait vécu Je’sus ou Jehoshua, un fait est certain, c’est que les Occultistes sont en mesure de prouver que même les paroles sacramentelles qu’on lui attribue sur la croix ont été dératurées et qu’elles veulent dirc tout autre chose que leur traduction grecque. (Voir mes notes additionnelles—No. 2—dans un prochain numéro du Lotus.)
[Vide the English translation of this footnote for the Compiler’s explanatory note concerning H. P. B.’s reference to the writings of Hieronymus.—Compiler.]
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fondée, ainsi que je l’ai démontré à diverses reprises dans mes écrits et dans mes notes, sur l’existence d’un personnage nommé Jehoshua (dont on a fait Jésus), né à Lüd ou Lydda vers l’an 120 avant l’ère moderne. Et si l’on contredit ce fait—ce à quoi je ne m’oppose guère—il faudra en prendre son parti et regarder le héros du drame du Calvaire comme un mythe pur et simple. En effet, malgré toutes les recherches désespérées faites pendant de longs siècles, si on laisse de côté le témoignage des «Evangélistes», c’est-à-dire d’hommes inconnus dont l’identité ne fut jamais établie, et celle des Pères de l’Église, fanatiques intéressés, ni l’historre, ni la tradition profane, ni les documents officiels, ni les contemporains du soidisant drame, n’ont pu fournir une seule preuve sérieuse de l’existence réelle et historique, non seulement de l’Homme-Dieu mais même du nommé Jésus de Nazareth, depuis l’an 1 jusqu’à l’année 33. Tout est ténèbre et silence. Philon de Judée, né avant l’ère chrétienne et mort longtemps après l’année où, d’après Renan, l’hallucination d’une hystérique, Marie de Magdala, donne un Dieu au monde, Philon fit dans cet intervalle de quarante et quelques années plusieurs voyages à Jérusalem. n y alla pour écrire l’histoire des sectes religieuses de la Palestine à son époque. Il n’est pas d’écrivain plus correct dans ses recits, plus soucieux de ne rien omettre: aucune communauté, aucune fraternité, fût-elle la plus insignifiante, ne lui échappe. Pourquoi donc ne parle-t-il pas des Nazaréens? Pourquoi ne fait-il pas la plus lointaine allusion aux Apôtres, au Galiléen divin, à la Crucification? La réponse est facile. Parce que la biographie de Jésus fut inventée après le premier siècle et que personne, à Jérusalem n’était plus renseigné que Philon sur ce sujet. On n’a qu’a lire la querelle d’Irénée avec les gnostiques, au IIe siècle, pour s’en assurer. Ptolémée (l’an 180) ayant fait remarquer que Jésus ne prêcha qu’un an au dire de la légende, et qu’il était trop jeune pour avoir pu enseigner quelque chose d’important, Irénée a un bel accès d’indignation et certifie que Jésus prêcha plus de dix et même de vingt ans! La tradition seule, dit-il, parle de dix ans (lib. II, c.22, pp.4, 5). Ailleurs, il fait mourir Jésus âgé de plus de


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cinquante ans!! Or, si déjà en l’année 180 un père de l’Église a recours à la tradition et que personne n’était sûr de rien et qu’on ne faisait pas grand cas des Évangiles —des Logia dont il y avait plus de soixante,—qu’a à faire l’histoire dans tout ceci? Confusion, mensonges, fourberies et faux, voilà le bilan des premiers siècles. Eusèbe de Césarée, le roi des falsificateurs, insère les fameuses 16 lignes touchant Jésus, dans un manuscrit de Josèphe, pour donner le change aux gnostiques qui niaient qu’il y eût jamais eu un personnage réel du nom de Jésus.* Plus encore: il attribue à Josèphe, un fanatique mort comme il avait vécu, en Juif obstiné, la réflexion qu’il n’est peut-être pas juste de l’appe]er (lui, Iasous) un homme (), car il était l’Oint du Seigneur, c’est-à-dire le Messie!! (Voyez Josèphe, Antiq., lib. XVIII, cap. iii, 3.)
Mais à quoi bon perdre son temps à redire des choses que tout homme bien élevé connaît. Monsieur l’abbé nous renvoie, à tout moment, aux Évangiles et à saint Paul, et, faisant pleuvoir un torrent de citations, il demande triomphalement: «Est-ce assez clair? Le Christ ne dit-il pas lui-même ceci et cela, et saint Paul ne nous assure-t-il pas que. . ., etc., etc». Inutile de dire que pour que les paroles de Jésus obtiennent quelque valeur comme preuve, il faut d’abord que l’authenticité des Évangiles soit prouvée. Jésus, qu’il ait vécu à cette époque ou auparavant, n’a rien écrit, et ce qu’on lui fait dire dans les quatre Évangiles est parfois terriblement contradictoire. Quant à Paul, personnage historique certainement, il serait difficile de se retrouver au milieu de ce qu’il dit lui-même et de ce que ses éditeurs et correcteurs lui font dire. Il est restécependant—par inadvertance sans doute—une phrase, de lui ou de ses collaborateurs, qui résume en deux mots ce qu’on pensait de Jésus. Voyez Épitre aux Hébreux, ii, 9;

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* Ajoutez à cela qu’il invente le fameux monogramme pour le Labarum de Constantin (combinaison de X, Chi, P, Rho, initiales de Christos qu’il applique à Jésus) et fabrique la vision de cet empereur. Mais Gibbon et d’autres historiens ont depuis longtemps jugé Eusèbe dont on connaît la valeur maintenant.—Voir dans un prochain numéro du Lotus mes notes (No. 3) à ce sujet.
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vous y lirez que Jésus a été fait «inférieur aux anges». Cela nous suffit. Celui qui est inférieur aux anges peut-il être Dieu, l’Infini et l’Unique?
Oui tout homme, tout Ju-su (nom d’Horus, Khons, le Fils, type de l’homme), tout initié surtout dont le corps est fait inférieur à celui des anges, peut, en présence de son Atman (Esprit divin), dire: Vivit vero in me Christus, comme il dirait: Krishna, Bouddha or Ormuzd vit en moi.* Après avoir répété ce que j’avais dit dans mes «Notes» du Christos ne se développant que par le Chrestos, comme s’il disait quelque chose de neuf et venant de lui, Monsieur l’abbé s’écrie d’un ton menaçant que nul n’entrera dans ce corps glorifié sinon par la «voie critique et la porte étroite». Pour lui, c’est le Nirvana béatique, et il continue à prêcher ce que nous prêchons depuis douze ans et ce que je disais encore dans mes Notes. Il me permettra d’achever ce qu’il laisse en si beau chemin, ne trouvant cette voie que dans le giron de son Église, de sa foi à lui. Malheureusement son angusta porta, et arcta via ne peuvent s’appliquer ni à son Église ni à sa foi. Dans cette Église où tout s’achète, crimes et indulgences, amulettes et béatitude (sur terre, du moins; quant au Ciel—après moi le Déluge!), la voie et la porte s’élargissent en proportion des sommes payées par le croyant. Arrière religion de Judas! C’est à (saint) Pierre que son maître a dit: VADE RETRO SATANAS! La preuve en est dans l’Évangile même, disje, répétant la phrase coutumière de M. l’abbé Roca.

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* En hébreu, I’homme, ou A¿sh (:*!) donne par dérivation cabbalistique cette autre forme :*, Jesh, en grec et en fran,cais Jes-us, signifiant en même temps lefeu, le soleil, là divinité et l’homme. Ce mot (voyez-le avec les points de la massore) était prononcé :!, ish ou Jesh, l’homme dans ce cas. La forme féminine était %:!, Issa, la femme; en égyptien Isi-s, Isis. La forme collatérale en était *:* Jesse, ou Isi, dont le féminin en égyptien était Isi-s. Mais Isi est l’équivalente de Jesse, le père de David, de la race de qui vient Jésus, Jes-us. C’est qu’il faut connaître la langue du Mystère et du Symbolisme avant de parler avec tant d’autorité, et cette langue l’Eglise l’a perdue.—Voir mes notes (No. 4) dans un prochain numéro du Lotus.
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Il m’envoie à Damas pour que je devienne «une initiée parfaite et la plus grande des Chrétiennes Bouddhistes» (?). Que dirait-il si je lui répondais que c’est après de longues années passées dans la condition de Chrêstos, après trente ans de martyre moral et physique, que j’y suis allée, et que c’est précisément sur ce chemin glorieux que j’ai découvert que les Églises qui s’intitulent chrétiennes ne sont que des sépulcres blanchis pleins des ossements du paganisme ésotérique et de pourriture morale? Aussi, aimeraisje mieux rester la plus humble des bouddhistes ésotériques que la plus grande des chrétiennes exotériques et orthodoxes. J’ai le plus profond respect pour l’idée transcendentale du Christos (ou Christ) universel qui vit dans l’âme du Boschiman et du Zoulou sauvages comme dans celle de M. l’abbé Roca, mais j’ai l’aversion la plus vive pour la christolâtrie des Églises. Je haie ces dogmes et ces doctrines qui ont dégradé le Christos idéal, en faisant un fétiche anthropomorphe absurde et grotesque, une idole jalouse et cruelle qui damne pour l’éternité ceux qui ne veulent pas se courber devant elle.* Le plus petit des

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* Prouver le bien-fondé de ma répugnance m’est d’autant plus facile que je n’ai, pour appuyer mon dire, qu’à ouvrir The Tablet, le principal organe des catholiques romains d’Angleterre. Voici ce que j’y découpe:
«La publication récente du rapport officiel sur le progrès matériel et moral de l’Inde nous fournit une intéressante contibution à la controverse engagée sur la question des missionaires. Il ressort de ces chiffres que, tandis que nous produisons une détérioration morale très marquée sur les natifs, en les convertissant à notre crédo, le niveau naturel de leur moralité est si élevé que, malgré notre christianisation, nous ne pouvons arriver à les rendre aussi pervers que nous. Les chiffres représentant les proportions de la criminalité dans les diverses classes sont ainsi qu’il suit:—Europeens, I pour 274; Eurasiens, I pour 509; Chrétiens natifs, I pour 799; Mahométans, I pour 856; Indous, 1 pour 1361, et Bouddhistes, 1 pour 3787. Ce dernier chiffre est un magnifique hommage rendu à la noble pureté du Bouddhisme, mais les statistiques sont encore instructives en montrant, d’une manière irrésistible qu’en fait de politique sociale nous ferions mieux de consacrer le superflu de notre argent et de notre zèle, pendant une génération ou deux, à l’amélioration morale de nos propres compatriotes, au lieu d’essayer de détruire la moralité et la théologie de peuples qui pourraient raisonnablement nous envoyer des missions pour nous convertir». Quel superbe aveu!
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gnostiques docètes soutenant que Jésus crucifié n’était qu’une illusion, et son histoire une allégorie, était bien plus près de la vérité qu’un «saint» Augustin ou même un «Ange des écoles». Un païen vivant une vie simple et patriarcale, aimant son prochain et faisant son devoir, est mille fois plus près de l’angusta porta, et arcta via que ne le fut jamais un (saint) Cyrille, féroce meurtrier d’Hypathie, ou un (saint) Constantin, béatifié probablement parce qu’il tua son fils de ses propres mains, fit bouillir des moines dans de la poix, éventra sa femme et s’illustra aussi tristement que Néron.*
Ah! nous dit M. l’abbé, «si la sublime conception de cet idéal [le Christos vivant dans l’homme] chrétien est celle des Mahatmas, honneur à eux» ! Cet idéal n’est pas chrétien, et ce ne sont pas les Mahatmas non plus qui l’ont inventé: c’était l’Apothéose des Mystères de l’Initiation. Quant au «Verbe fait chair», c’est l’héritage de l’humanité entière, reçu par l’homme le jour où l’Ame universelle s’incarna en lui, c’est-à-dire depuis l’apparition du premier homme parfait—qui, entre parenthèses, n’est pas Adam.
Pour prouver queJésus était Dieu, on nous présente son martyre sur la Croix et son sacrifice volontaire. Avant de croire à un «maître» l’égal du «Christ», il faudrait qu’il consentit à boire le calice que Jésus but à Gethsémani et pardonnât à ses bourreaux ses tortures physiques et morales. Etrange idée, en vérité! Mais c’est justement l’insignifiance de ces souffrances qui fait sourire chaque païen de pitié. Que sont trois ans de sermons et d’existence à la belle étoile, terminés par une souffrance de quelques heures sur la croix, comparés aux quatre-vingts années de torture morale de Gautama Bouddha, devant laquelle pâlissent toutes les tortures de la chair! Ah! Monsieur l’Abbé, il est plus difficile, plus méritoire et plus divin, de vivre volontairement pour l’Humanité que de mourir pour elle, et comment? d’une mort violente et inévitable à laquelle on essaye d’échapper en priant son Père céleste de vous éviter

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* Voir mes notes (No. 5) à ce sujet dans un prochain numéro du Lotus.
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ce calice. Car c’est là, mot pour mot, l’histoire des Évangiles. Allez donc intéresser un yogi ou un fakir fanatique à ces souffrances en les lui racontant à la lettre.*
On m’enseigne le vrai sens de la conversion de (saint) Paul, m’assurant que je ne l’ai pas compris. Saint Paul, selon M. l’abbé Roca, était «un initié de l’école essénienne de Gamaliel, un vrai Thérapeute, un parfait Nazaréen, comme il nous l’apprend lui-même» (p. 261). Je le remercie de ces renseignements, mais je regrette de ne pouvoir les accepter. Un Essénien Nazareen équivaudrait à un brahme-bouddhiste; bien que nous ayons ouï parler d’un «brahme, prêtre bouddhiste», créature hybride qui aurait habité Paris jadis! Paul, quel qu’il fût ne pouvait être à la fois essénien et nazaréen, si par na-zaréen M. l’abbé entend la secte des Nazars de l’Ancient Testament dont la Genèse même fait mention. Les Esséniens avaient en horreur l’huile et le vin, tandis que les Nazars usaient des deux (Voir les Nombres, vi, 20). Les premiers ne reconnaissaient pas les «oints du Seigneur» et se servaient d’eau pour se laver plusieurs fois par jour, comme les Indous et les Bouddhistes; les Nazars, s’étant oints d’huile tout le corps, ne se lavaient jamais. Il est vrai que Paul nous dit dans l’Épitre aux Galatéens (i, 15 et seq.) qu’il avait été «séparé» pour le service du Seigneur dès sa naissance, c’est-à-dire voué au nazariat; mais comme il dit ailleurs (I Corinth., xi,14), que c’est une honte de porter les cheveux longs (ainsi qu’on représente Jésus et saint

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*Je renvoie M. l’abbé aux récits de ce que M.Jacolliot a vu aux Indes, et que tous ceux qui y ont vécu ont pu voir tous les jours. Regardez ces fanatiques yogis qui, à chaque nouvelle lune, s’accrochent par la peau du dos à un grappin en fer fixé à l’extrémité d’une tige horizontale au haut d’un long poteau. Ce bras, à bascule, les enlève en leur faisant faire le moulinet en l’air, jusqu’à ce que la chair sanglante se détachant, le martyr volontaire soit projeté à vingt pas de là. Voyez ces autres qui se brûlent journellement pendant de longues années le corps sur des charbons ardents, et ceux-ci qui se font enterrer jusqu’au cou, et restent ainsi exposés toute leur vie au soleil ardent, aux froids des nuits glaciales, à des milliers d’insectes et de bêtes fauves, sans compter la faim et la soif, et autres agréments de ce genre.
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Jean), ceci prouve qu’il n’était resté Nazar * que jusqu’à sa conversion au Christos des Gnostiques. Jean-Baptiste était un vrai nazar, ainsi que Jean de l’Apocalypse, mais Saul cesse de l’être en devenant Paul. Donc, il n’était pas «un parfait Nazaréen». Il n’était pas non plus un Essénien, car ce que ceux-ci avaient de plus sacré après Dieu, c’était Moïse, sa Genèse, l’observation du Sabbat, et Paul avait renoncé à Moïse et au Sabbat. Que faire? M. l’abbé nous dit une chose, et l’histoire avec les deux Testaments, une tout autre chose.
Il est donc inutile de venir dire à des occultistes que «ce qui fut révélé à Paul, ce n’est donc pas du tout le Christos des Gnostiques mais bien le Chrestos avec tous les arcanes de son abaissement et de son anéantissement».
Ce Chrestos est justement le Chrestos-Christos des Gnostiques.
Paul n’a jamais été un apôtre du christianisme ecclésiastique, étant l’adversaire gnostique de Pierre. Nous avons comme preuve du fait les paroles authentiques de Paul, qu’on aura négligé de revoir et de corriger, et cette double note, cette dissonance qui court dans les Épitres. Lorsque deux hommes sont en possession, je ne dirai pas de la vérité absolue mais d’un fait avéré, d’une vérité relative, pourquoi l’un dit-il de l’autre qu’il lui a résisté à la face (Gal., ii, 11), et pourquoi ce Paul montre-t-il tant de mépris pour la prétention qu’ont Pierre (Céphas), Jacques et Jean à être considérés comme les «piliers de l’Église»?
Il est également inutile de me renvoyer au docteur Sepp et à sa Vie de N.-S. Jésus-Christ. Je l’ai lue il y a vingt ans et n’y ai rien trouvé autre chose que fanatisme et plagiat conscient et inconscient de la religion des Brahmes. Ce n’est pas d’hier que nous connaissons le système chronosidéral de ce Bavarois à l’imagination si vive. On pourrait

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* Le Nazar=le Séparé (Voyez Genèse, xlix, 26; Nombres, vi, 2; Juges, xiii, 5, etc.). Ce mot écrit sans les voyelles massorétiques, et se lisant, NZR, $&", donne la clef de sa signification cabbalistique dans ses trois lettres mêmes, car noun veut dire la matrice, la lettre O, la femme; zayin, l’emblême de la Souveraineté spirituelle, le Sceptre; et resch, la tête, le cercle. Le rasoir ne devait jamais toucher les cheveux ni la barbe du vrai Nazar.
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dire beaucoup de choses curieuses sur son calcul du Saros, —salade japonaise composée des calculs de Pline et de Suidas. Mais je n’en dirai qu’une.* Tous nos théosophes connaissent la grande période ou Mahayuga dont les divisions nous ramênent toujours au chiffre 432. Ainsi, le Kali-yuga †—l’âge noir et néfaste des Brahmes, pendant lequel le monde expie les péchés des trois yougas précédents et qu’aucun Avatar ne viendra aider avant sa fin ‡ —le Kali-yuga durera 432,000 ans, alors que le total du Maha-yuga, composé des Satya, Treta, Dwapara et Kali Yuga fait 4,320,000 années. C’est un calcul mystique que les Brahmes ne donnent qu’à leurs Initiés, un calcul qui a fait dire à nos orientalistes, qui n’y voient goutte, bien des bêtises.§ Eh bien, le célèbre professeur de Munich a découvert le pot aux roses. Dans son tome I (p.9) voici la clef qu’il nous donne:
«C’est un fait affirmé [par Kepler] que toutes les planètes, au moment de l’incarnation, étaient en conjonction dans le signe du Poisson que les Juifs appelaient depuis l’origine des choses la constellation du Messie. C’est dans cette constellation que se trouvait l’étoile des mages . . . . .» C’était la fameuse planète que tout le monde a pu voir cette année-ci, à Londre, la belle Vénus-Lucifer dont une tradition cabbalistique juive dit qu’elle absorbera un jour les 70 planètes qui président aux diverses nations du

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* Vie de N.-S. Jésus-Christ, t.II, p.417.
[It is not clear to which edition of Dr. Sepp’s work, Das Leben Jesu Christi, H.P.B. refers. In the 2nd ed. of the French translation (Paris: Ve Poussièlgue-Rusand, 1861), which covers only the first part of the German original text, and does not go beyond it, the subject of the Saros is treated of in tome III, p. 331. This edition consists of one volume divided into three tomes, each one paged separately. The same subject is discussed in The Secret Doctrine, Vol. I, p. 655, footnote, where the same passage from Dr. Sepp is referred to, and partially quoted.—Compiler ]
† Entre autres erreurs, M. Saint-Yves (Mission des Juifs) en fait l’âge d’or ou de renaissance spirituelle (N. de la D.).
‡ Voir mes notes (No. 6) à ce sujet, dans un prochain numéro du Lotus.
§ Voir mes notes à ce sujet (No. 7) dans un prochain numéro.
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monde. Le docteur Sepp, lui, prétend qu’en vertu de ces prophéties naturelles, il était écrit dans les astres que le Messie devait paraître dans l’année lunaire du monde 4320, dans cette année mémorable où le «chœur entier des planètes fêtait son jubilé».*
Ainsi, pour admettre les lubies du docteur Sepp, publiées dans son «beau monument de la gnose chrétienne», nous devons, fermant les yeux et nous comprimant la cervelle,
1° Croire que le monde n’est vieux que de six mille ans—pas un jour de plus (Voir la Genèse et la chronologie de Moïse!):
2° Supposer que cette fameuse conjonction a eu lieu l’an 1 de notre ère, et non quatre ou cinq ans avant l’ère chrétienne comme l’a prouvé Kepler lui-même;
3° Oublier ce que nous savons pour faire triompher les fantaisies miraculeuses des ecclésiastiques: or, nous savons que ce calcul astronomique a été emprunté par les Juifs aux Chaldéens et à leurs 432,000 années dynastiques que ceux-ci avaient eux-mêmes tirées des 4,320,000 années du Mahayuga brahmanique.
Et il nous faudrait accepter ce beau passage «de la gnose» . . . bavaroise! Ce serait à croire que le Dr. Sepp l’a trouvé au fond d’une chope de bière, si on ne savait que, bien avant lui, le colonel Wilford qui fut si joliment berné par les Brahmes† au commencement de ce siècle,

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* [Most of this paragraph occurs in de Mirville, Pneumatologie, etc., Vol. IV, p. 67, where reference is made to Dr. Sepp’s work on the Life of Christ. It is not clear, however, what is meant by tome I, p. 9, nor what particular edition, German or French, it should apply to. However, in the 2nd ed. of the French translation (Paris, 1861), the conjunction of the planets and Kepler’s views are spoken of in tome I, pp. 89-92, while the “choir of the planets” is mentioned in tome III, p. 369. Vide the Bio-Bibliographical Index for data on the various editions of Dr. Sepp’s work.—Compiler.]
† Les Brahmes, ennuyés de la persistance que mettait le colonel Wilford à chercher Adam et Ève, Noé et ses trois fils, composèrent un joli Pourâna avec ces noms en sancrit qu’ils intercalèrent dans de vieux manuscrits. Sir William Jones lui-même y fut attrapé et avec lui l’Europe entière. Voyez Introduction à la Science des religions [Introduction to the Science of Religion] par Max Müller.
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avait fait le fameux calcul, conservé jusqu’à ce jour, d’ailleurs, dans les volumes de la Bibliothèque de la Société Royale Asiatique à Calcutta et dans toutes les bibliothèques européennes. Encore une fois, M. l’abbé Roca veut-il que nous renonçions aux 4,320,000 années de notre Maha-yuga pour accepter les 4,320 années lunaires que le Dr. Sepp met entre la création du monde et la Nativité?
Après tout, il se pourrait que je contredisse moins M. l’abbé Roca que je ne crois, ainsi qu’il le dit. Tant mieux, tant mieux. D’ailleurs l’application de sa métaphore du «rayon blanc se décomposant en trois couleurs principales qui, etc.» se trouve dans mon Isis Unveiled (Vol. II, P. 639) écrit il y a près de douze ans.* Peut-être bien nous entendrons-nous donc un jour. En attendant, j’enverrai au Lotus quelques notes † sur les dernières paroles de Jésus crucifié, simplement pour montrer à M. l’abbé que nous, occultistes, nous savons ce que quelques Pères de l’Église ont cru savoir. D’où vient, par exemple, la tradition ésotérique (car les susdits Pères n’avaient pu le voir personnellement) que «le Christ, mourant sur la croix. . . . . . tenait son visage tourné, ses yeux ouverts et ses bras tendus vers l’Occident»? Dans mes Notes j’expliquerai tout, sauf 1’assertion que le Crucifié dont les mains étaient retenues par deux gros clous sur les deux branches latérales de la croix, avait «ses bras tendus vers

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* Pour faire plaisir au lecteur, donnons ce passage de Mme Blavatsky:
« . . . . . De même que le rayon blanc lumineux est décomposé par le prisme en les couleurs variées du spectre, ainsi le rayon de la divine vérité traversant le triple prisme de la nature humaine s’est brisé en fragments varicolores qu’on appelle RELIGIONS. Et, de même que les rayons du spectre, par dégradations de teinte imperceptibles, se fondent l’un dans l’autre, de même les grandes théologies qui se sont manifestées sous différents degrés de réfraction de la source originelle, se relient par des schismes secondaires, de petites écoles, des rejetons poussant de côté et d’autre. Combinés, ces éléments représentent une seule vérité éternelle; séparés, ils ne sont que les nuances de l’erreur humaine et les signes de l’imperfection». (N.de la D.)
† Voir dans un prochain numéro, Note No. 8.
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l’Occident», tour de force difficile à réaliser pour un «crucifié». Mais ceci est un détail insignifiant.
En finissant, je dirai que je pense toujours que M. l’abbé s’illusionne et que son espoir est optimiste. Je tiens Victor Hugo pour un grand poète, mais je n’ai jamais entendu dire qu’il fût prophète. Quant au mot de la fin, ou de la faim, que décoche mon interlocuteur en guise d’adieu, je lui ferai observer: 1° que la misère et la crasse se retrouvent généralement partout où règne le prêtre catholique, et, 2°, que là-bas, prcs des Mahatmas, comme il dit, il n’y a point de pauvres pour la bonne raison qu’il n’y a point de riches; d’autres que les missionnaires menteurs y sont allés.
Et maintenant que j’ai répondu à l’abbé Roca, prêtre catholique, je terminerai cette trop longue réponse en m’adressant à M. Roca, mon critique et interlocuteur, aussi courtois qu’il est spirituel lorsqu’il veut bien oublier sa soutane. C’est à ce dernier que j’exprime le sincère regret que j’éprouve d’avoir eu à parer tous ses coups et à le contredire en tout et partout. S’il considère cette réponse, ainsi que mes premières «Notes», comme une nouvelle «bourrade» il aura tort. Car si nous ne nous comprenons pas—quoiqu’il dise me comprendre fort bien lui––c’est que tout en parlant en apparence tous les deux la même langue, nos idées quant à la valeur et au sens de l’ésotérisme chrétien, de l’ésotérisme brahmo-bouddhiste et de celui des gnostiques, sont diamétralement opposées. Il puise ses conclusions et ses données ésotériques à des sources que je ne saurais connaître puisqu’elles sont d’invention moderne, tandis que moi je lui parle la langue des vieux Initiés et lui donne les conclusions de l’ésotérisme archaïque, qui, à leur tour, lui sont tout à fait étrangères à ce que je vois.
Pour définir avec précision, sans ambages, notre position réciproque, il me semble que, alors que je donne un aperçu ésotérique du Christos universel, c’est-à-dire du Logos impersonnel et anté-chrétien, lui me répond en s’appuyant sur le Christ sectaire de l’ère moderne, sur le Christ ecclésiastique et dogmatique dont le model est anté-chrétien. A l’ésotérisme de la vieille gnose qu’il


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avoue perdu pour l’Église, il m’oppose l’ésotérisme scholastique du moyen âge. Il essaye de me donner le change avec des subtilités de théologiens et de Rose-croix qui, pour ne pas être brûlés tout vifs, se couvraient du voile de l’orthodoxie et affichaient un Christianisme contre lequel ils protestaient en secret. Dès lors, comment pourrait-on se comprendre? Quant à «mieux nous apprécier», je remercie M. l’abbé de son bon souhait, en doutant qu’il apprécie jamais la rondeur de mes manières ajoutée à la haute franchise de mon verbe; pour moi, je le prie de croire que j’ai toujours apprécié en lui l’habile écrivain au cœur libéral et large ainsi que le prêtre hardi qui a le rare courage de ses opinions.
D’ailleurs, vera pro gratiis, quand même se dicton devrait être suivi de son revers, veritas odium parit.
H. P. BLAVATSKY,

Secrétaire-correspondante de la Société Théosophique.